Archive pour la catégorie ‘plumes à rêver’

Célébration…

samedi 22 février 2020

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« … « Au cœur d’un monde inconnu

Je sens me monter aux yeux

des larmes d’indignité et de gratitude. »…

Poète japonais anonyme.

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Au printemps, certaines colonies d’abeilles, pour des raisons mal élucidées, obéissent à une mystérieuse impulsion et se séparent en deux, se multipliant ainsi en essaimant. Les ouvrières élèvent avec dévotion une nouvelle reine pour la colonie d’origine, puis une partie des abeilles se groupe autour de la vieille reine, se gorge de miel et s’envolent de la ruche pour ne jamais y revenir, laissant derrière elles tout souvenir de leur ancienne demeure. Elles s’amassent provisoirement en un point quelconque, comme par exemple sur la branche de mon pommier. Si un apiculteur ne les met pas dans une ruche, des éclaireuses se détachent de l’essaim pour aller explorer des cavités et des espaces à proximité, puis reviennent faire leur rapport sur leurs nouveaux logements éventuels…

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Personne ne semble connaître les asters des neiges en dehors des apiculteurs, qui leur donnent des noms variés : asters des gelées, asters d’automne, adieu à l’été, romarin blanc et fleur des gelées. Le nom botanique est Aster ericoïdes et il décrit très bien la plante. Aster signifie étoile et ericoïdes : possédant des feuilles du genre érica ou bruyère. La plante, touffue et haute de près d’un mètre, avec de minuscules fleurs radiées en forme d’étoile et des feuilles fines et bien dessinées, couvrent de vastes espaces dans tous les Ozarks, et fleurit avec exubérance depuis le mois d’août jusqu’à ce qu’une forte gelée la tue en octobre ou novembre. Mais comme les asters des neiges sont de vulgaires mauvaises herbes, personne ne s’y intéresse, à part les apiculteurs qui les trouvent d’une grande beauté. Les fleurs sécrètent un nectar au parfum pénétrant durant les mois de floraison, et les abeilles en récoltent une telle quantité que leur ruche sont imprégnées de cette odeur…

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J’entends d’autres cris d’oiseaux ce matin. Les bruants indigo, qui seront les premiers à chanter à l’aube un peu plus tard, ne sont pas encore revenus dans les Ozarks, mais j’entends les cardinaux et les mésanges de Caroline. Ils passent l’hiver ici, mais ce matin leurs chants annoncent le printemps. Il y a des moineaux domestiques au-dessus de ma tête dans les chênes et des moineaux des bois à proximité. Il y a également tous les oiseaux chanteurs ; certains de leurs chants me sont familiers, d’autres pas, comme ceux des migrateurs. J’entends un des plus beaux chants d’oiseau que je connaisse, celui du moineau à gorge blanche. Il est censé chanter « Old Sam Peabody, Peabody, Peabody » C’est bien là la cadence, en effet, mais ce qui ne donne aucune idée de la clarté lyrique, de la douceur des notes descendantes de son chant… »

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La quarantaine est un âge charnière, il me semble, on rêve de changer de vie, les questions se bousculent mais souvent, le quotidien reprend le dessus et l’on oublie ses désirs.

Sue Hubbell et son époux se sont questionnés, ils ont abandonné leurs confortables situations professionnelles et fait l’acquisition de 36 (42 ?) hectares dans les monts Ozarks, état du Missouri. Là commencent pour eux une vie proche de la nature environnante, une vie de labeur, ils deviennent apiculteurs.Au bout de quinze ans, l’auteure voit son mari partir, elle continue seule l’aventure, avec grand courage.

Son récit est une sorte de journal au fil des quatre saisons, elle nous livre ses observations, nous apprend les comportements de certains animaux et végétaux. Ses propos sont bienveillants et pudiques, ses actions généreuses, elle nous fait comprendre l’équilibre parfait de la nature, et son adaptation – plus ou moins longue – lorsqu’un changement, si petit soit-il, apparait.  Après cette lecture, on regarde la nature sous un autre angle,

ce texte est une leçon de vie…

Dominique en avait parlé –>  ICI

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Extraits de : « Une année à la campagne  » Sue Hubbell  1935-2018.

Illustrations : 1/ « Monde animal »  So Shiseki  1715-1786  2/ « Fleurs et fruits de saison »  Tomita Keisen  1876-1936.

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Suivre son lumineux chemin…

BVJ – Plumes d’Anges.

Autres mondes…

jeudi 13 février 2020

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« … Geneviève observe le public. Certaines têtes sont familières, elle reconnaît là médecins, écrivains, journalistes, internes, personnalités politiques, artistes, chacun à la fois curieux, déjà converti ou sceptique. Elle se sent fière. Fière qu’un seul homme à Paris parvienne à susciter un intérêt tel qu’il remplit chaque semaine les bancs de l’auditorium. D’ailleurs, le voilà qui apparaît sur scène. La salle se tait. Charcot impose sans trouble sa silhouette épaisse et sérieuse face à ce public de regards fascinés. Son profil allongé rappelle l’élégance et la dignité des statues grecques. Il a le regard précis et impénétrable du médecin qui, depuis des années, étudie, dans leur plus profonde vulnérabilité, des femmes rejetées par leur famille et la société. Il sait l’espoir qu’il suscite chez ces aliénées. Il sait que tout Paris connaît son nom. L’autorité lui a été accordée, et il exerce désormais avec la conviction qu’elle lui a été donnée pour une raison : c’est son talent qui fera progresser la médecine…

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… Vous vouliez la vérité, je vous la donne. Je vois grand-père depuis que j’ai douze ans. Lui et d’autres. Des défunts. Je n’ai jamais osé parler, de crainte que papa ne me fasse interner. Je me confie à vous ce soir avec la confiance et l’amour que je vous porte, grand-mère. (…) – J’ai récemment lu un livre, grand-mère, un livre merveilleux. Il m’a éclairé sur tout. L’existence des Esprits, qui est loin d’être une fable, leur présence auprès de nous, l’existence de ceux qui agissent en intermédiaires, et bien d’autres choses encore…

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... Absence ne signifie pas abandon. Si la maison de son enfance n’est plus habitée ni par sa sœur ni par sa mère, peut-être demeure-t-il encore quelque chose des deux femmes – non pas leurs affaires personnelles, mais pourquoi pas une pensée, une présence, une intention ? Geneviève songe à Blandine. Elle l’imagine ici, quelque part, dans un coin de la pièce, en train de l’observer. Cette idée, démentielle, pourtant l’apaise. Existe-t-il une pensée plus consolante que de savoir les proches défunts à vos côtés ? La mort perd en gravité et en fatalité. Et l’existence gagne en valeur et en sens. Il n’y a ni un avant ni un après, mais un tout…

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… « … Ces gens qui l’ont jugée, qui m’ont jugée moi… leur jugement réside dans leur conviction. La foi inébranlable en une idée mène aux préjugés. T’ai-je dit combien je me sentais sereine, depuis que je doute ? Oui, il ne faut pas avoir de convictions : il faut pouvoir douter, de tout, des choses, de soi-même. Douter. Cela me semble si clair depuis que je suis de l’autre côté, depuis que je dors dans ces lits qui me faisaient horreur auparavant. Je me sens pas proche des femmes ici, mais désormais je les vois. Telles qu’elles sont… »… »

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Un roman très dense sur fond de vérité historique. Eugénie, une jeune fille de 19 ans pleine de vie, issue d’un milieu bourgeois de la fin du XIXème siècle, voit « l’invisible ». Elle se confie un soir à sa grand-mère insistante, celle-ci la trahit et Eugénie est internée à La Pitié-Salpêtrière

C’est un récit talentueux et captivant, lu d’une traite tant l’écriture est fluide. Le personnage de Geneviève, assistante du Professeur Charcot, est très beau, et puis il y ce bal insensé, où court la bourgeoisie parisienne, Le Bal des Folles, et sa préparation… Ce livre donne envie d’en savoir plus sur cette époque, sur les travaux du Professeur Charcot et sur la terrible histoire de cet établissement.

Pauvres femmes, que de souffrances ont-elles eu à vivre et pauvres femmes qui aujourd’hui encore vivent sous le joug des familles et des hommes, sous le poids de traditions étouffantes et cruelles…

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Extraits de : « Le bal des folles »  2019  Victoria Mas.

Illustrations : 1/ « Une leçon clinique à la Salpêtrière » André Brouillet  1857-1914  2/ « Yeux clos »  Odilon Redon  1840-1916.

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Ne pas avoir de convictions…

BVJ – Plumes d’Anges.

Épurement intérieur…

lundi 10 février 2020

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« … Le poulpe de l’émotion jette son encre noire pour nous aveugler dans la peur, mais maintenant Aru et moi nous le savons. Nous ne sommes plus dupes.

Je l’ai dit ce matin à Yasuki en brandissant la balayette de la cuisine en guise d’épée. Il a ri. Il précise : « L’émotion n’est pas l’amour mais c’est tout ce que l’homme possède pour aller à sa rencontre. » Plus loin que l’amour Laura Mailleul, il y a shizen, « ce qui est tel quel par soi-même. » C’est le secret que l’amour avec Aru te dévoile. C’est cela qu’il faut chercher.

Qu’est-ce qui te sépare de la poésie ?

Qu’est-ce qui te sépare de l’amour ?

Qu’est-ce qui te sépare du divin ?

Qu’est-ce qui te sépare de toi-même ?

L’idée que tu te fais de la poésie, de l’amour, du divin, de toi-même, derrière laquelle se tient le shizen de la poésie, de l’amour, du divin, de toi-même. C’est cette idée que tu dois détruire entièrement. Détruis tout ! Devenir qui l’on est c’est détruire absolument tout ce que l’on croit être, mais détruire avec amour…

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… – Toi qui connais ces sortes de choses, comment s’appelle ce bleu-là, ai-je demandé à Aru après le dîner en désignant le ciel dans la presque nuit de juillet.

– C’est le bleu de ce soir, Laura.

– Le bleu de ce soir est mon préféré…

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… N’attends plus rien. Là où tu es, sois. Il n’y a aucune issue dans le monde ; la sortie est à l’intérieur. Nulle part ailleurs. Pleure là-dessus un certain temps, si tu le souhaites.  Et après, décide de sauter à pieds joints dans la joie. Tout le malheur auquel l’humain s’accroche, il le fabrique lui-même et s’y pend. Mais la vie n’a rien à voir avec cela. Tant que tu ne te seras pas entièrement perdu, tant que tu n’auras pas entrepris la démolition complète de ce que tu as cru être toi-même, tant que tu n’auras pas été entièrement endommagé, que tu n’auras pas erré dans tes propres ruines, tu ne sauras pas qui tu es, Aru… »

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Laurence Nobécourt a publié ce livre entre  « La vie spirituelle » et « Le chagrin des origines« . Ce qui est beau dans le travail littéraire de cette auteure, c’est son courage et son évolution. Dans sa quête éperdue d’amour et de vérité, elle scrute toutes ses zones d’ombre, les nettoyant de fond en comble. Strate par strate, elle renait à elle-même encore et encore, nous offrant dans sa quête d’absolu, un très beau texte.

Quelques passages demandent lecture et relecture – j’avoue être encore perplexe face à certaines phrases, là est mon travail, là est ce qu’offre la littérature à son lecteur, la métamorphose s’opère à deux, voire à trois, les mots choisis prenant toute leur dimension. Ce Vivant jardin est d’une grande profondeur, l’amour et le verbe s’unissent et s’illuminent l’un l’autre.

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Extraits de : « Vivant jardin. »  2018  Laurence Nobécourt.

Illustrations : 1/ « Oiseaux » – catalogue – So Soseki  1715-1786  2/ « Éventail aux Ipomées » – projet – Susuki Kiitsu  1796-1858.

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Se souvenir de notre grandeur…

BVJ – Plumes d’Anges.

Peut-être…

jeudi 30 janvier 2020

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« Un arbre enveloppe un nuage,

un oiseau enveloppe l’arbre

et une plume de l’oiseau disperse l’air

pour faire place au signe maintenant là.

 

Ce qui enveloppe est enveloppé par ce qu’il enveloppe,

mais le signe nouveau passe justement

entre l’enveloppé et ce qui enveloppe

et défait le paquet.

Le soir devient un dieu.

 

Un arbre descend alors d’un nuage,

le nuage descend d’un oiseau

et une plume de l’oiseau écrit le nouveau signe

sur le versant qui vient d’être dégagé. » (Livre III, 6b)

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« Chaque main situe son nuage

dans un ciel différent.

 

Mais un jour elle le trouve

dans le ciel de tous.

 

Seulement alors elle peut redevenir

le morceau de terre promise

qu’elle était avant d’être main.

 

Seulement alors son nuage

pleuvra sur elle. » (Livre V, 17)

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« Prendre sa main pour oreiller.

Le ciel le fait avec ses nuages,

la terre avec ses mottes

et l’arbre qui tombe

avec son propre feuillage.

 

Ainsi seulement peut s’écouter

la chanson sans distance,

celle qui n’entre pas dans l’oreille

parce qu’elle est dans l’oreille.

La seule qui ne se répète pas.

 

Tout homme a besoin

d’une chanson intraduisible. » (Livre VII, 1) »

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Roberto Juarroz, poète argentin, un titre unique à son œuvre,

une sorte de poème ininterrompu, une longue méditation ;

chaque livre porte un numéro, chaque poème porte le sien.

Nous approchons là un autre monde, ou plutôt une autre vision du monde et de la poésie,

le temps y est suspendu juste un moment.

Roberto Juarroz  y parle de centre de gravité et de déploiement,

il évoque le mouvement et l’immobilité,

 le visible et l’invisible, l’obscurité et la lumière,

le vide et le plein, le tout et le rien,

au fil du temps les sujets d’explorations changent…

Il y a des questionnements, des apparitions ici et là, sur le « bord du bord ».

Chaque poème nous emporte de la dualité vers l’unité… ou pas.

À lire et à relire, c’est mystérieux et c’est puissant !

Colo en a parlé plusieurs fois, –> ICI par exemple…

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Poèmes extraits de : « Poésie verticale »  Roberto Juarroz  1925-1995.

Illustrations : 1/ « Arbre » – Étude – Caspar Scheuren  1810-1887  – Illustration déjà utilisée –> ICI   2/ « Fleurs de cerisier »  Sakai Hoitsou  1761-1828.

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Travailler à percevoir un autre monde…

BVJ – Plumes d’Anges.

Belles plumes…

dimanche 26 janvier 2020

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Un magnifique petit livre cartonné,

22 phrases en anglais

illustrées par 22 dessins à la plume, d’ Anna Boulanger.

Cette jeune artiste, passe son enfance sur la Côte de Granit rose, » après son bac, elle rejoint Bruxelles, où elle étudie l’illustration et le dessin à l’école supérieure des Arts Saint Luc. Elle complète sa formation à l’école des Beaux arts de Rennes. Elle a également obtenu un master en édition à la faculté de Rennes » nous dit-on sur Wikipédia.

 

Ici, les mots sont choisis : beaux, doux, simples et profonds,

– elle dit commencer le plus souvent par les mots, les dessins venant après –

ils invitent à une envolée intérieure en pays de sérénité et de poésie.

Le trait à l’encre de chine est minutieux, talentueux, les oiseaux, enchanteurs.

C’est un livre qu’il faut garder près de soi,

pour y revenir dès qu’une vague grise effleure un peu sèchement notre cœur.

Faites-vous ce cadeau, c’est un véritable bijou !

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« Be silent and listen.

(Sois silencieux et écoute.)

Illustration : blackbird, secret keeper from another world.

(merle, gardien du secret d’une autre réalité.)

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Silence gives answers.

(Le silence donne les réponses.)

Illustration : magpie, intelligence, talkativeness, adaptability, ingenuity.

(pie, intelligence, loquacité, adaptabilité, ingéniosité.)

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Lucky is the eye that recognises reality.

(La joie est l’œil qui reconnait la réalité.)

Illustration : jay, light bearer.

(geai, porteur de lumière.)

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All you see has his roots in the unseen world.

(Tout ce que vous voyez a ses racines dans le monde invisible.)

Illustration : woodpecker, protection and security.

(pivert, protection et sécurité.)

(…)

When you let go of what you think life should be,

life gets clear… »

(Quand vous abandonnez ce que vous pensez que la vie devrait être,

la vie devient limpide.)… »

Illustration : canary, carelessness, stupidity… »

(serin , étourderie, bêtise.)… »

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Extraits de : « Birds »  2016  Anna Boulanger.

Illustrations : Couverture du livre – 1/recto et 2/verso.

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Entendre le chant de la vie…

BVJ – Plumes d’Anges.

Grand tour…

jeudi 23 janvier 2020

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« … D’un chemin à un autre, d’un continent à un autre, il n’y a parfois qu’un embranchement au détour d’une conversation fructueuse joyeusement partagée au rythme de la marche. Celle de ce jour-là allait m’amener à la découverte d’un chemin de pèlerinage bouddhiste faisant le tour de la plus petite des quatre grandes îles de l’archipel japonais, du nom de Shikoku…

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… Chemin d’émancipation de mes automatismes de pensées, d’affranchissement de mes toxines et pollutions mentales. Mouvement de libération de mes entraves, de mes attentes, de mes schémas de fonctionnement, de mes assujettissements à des codes sociaux, de tous les carcans qui m’étreignent, de mes certitudes, de mes modes de pensée, des formatages érigés en moi par des traditions, de mes asservissements à une idée conditionnée, de mes identifications à des rôles ou à des fonctions. Étape de désencombrement de mes peurs, de mes inhibitions, des mémoires qui parfois parlent à ma place…

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… Intérieurement, je remercie. Je m’incline devant le miracle de cette existence qui m’est offerte. Joie de ce temps qui m’est donné sur cette terre. Du plus profond de mon être, je remercie d’abord ma présence au monde. Puis je laisse mon attention parcourir chaque partie de mon corps et lui exprime ma reconnaissance pour son soutien à mon cheminement. Soyez remerciées, mes jambes, de m’avoir conduite jusque-là sans encombre ; soyez remerciés, mes pieds, pour le nouvel élan que vous impulsez à chaque pas ; soyez remerciés, mes yeux, d’imprégner en moi tant de merveilles…

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… Vivre pleinement l’expérience de l’instant. L’itinéraire devient ainsi de plus en plus introspectif. Chaque jour de marche, telle une nouvelle expérience spirituelle. L’Illumination, ne serait-ce pas transformer l’obscurité tapie en nos profondeurs en lumière, s’abandonner à cette alchimie spirituelle qui consiste à reconnaître nos zones sombres pour les métamorphoser en perles d’or ? « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or* » Illumination… Prendre conscience de notre nature divine et se tourner, tel le tournesol, vers la Lumière dont nous sommes issus, vers cet astre qui nous guide… »

* Charles Baudelaire « Les fleurs du mal ».

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Un petit livre bienveillant qui ouvre l’esprit et le cœur.

Ce n’est pas le bouddhisme qui a la première place ici.

Le lieu – une ile -, une chaleur écrasante, la langue japonaise non comprise et non parlée,

une tout autre culture avec des codes à l’opposé des nôtres…

Tous les ingrédients sont réunis pour briser « l’armure » de la marcheuse,

casser les rythmes et les illusions du quotidien.

L’auteure nous raconte par petites touches ses transformations intérieures,

ses rencontres improbables.

De jolies réflexions, de nombreuses citations rendent le chemin très vivant,

j’ai « parcouru » ces 1200 kilomètres avec  grand plaisir… et sans la moindre fatigue !

Dominique en avait très bien parlé –>

Aifelle en avait parlé –>

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Extraits de : « Comme une feuille de thé à Shikoku »  2015  Marie-Edith Laval.

Illustrations : 1/ »Chat » détail d’une peinture de Hishida Shunso  1874-1911  2/ »Fleurs des quatre saisons »  Sakai Hoitsu  1761-1828.

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Briser notre armure…

BVJ – Plumes d Anges.

Éblouissement…

samedi 11 janvier 2020

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« … Il n’y a que des miracles dans cette vie, et notre aveuglement en est un, le plus grand. Dans cette librairie à Paris, j’ai regardé les visages et j’ai soudain compris que nous vivions tous à bas rythme, et j’ai vu que si nous vivions vraiment la librairie aurait été en feu, incendiée de visages pareils à des soleils…

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… Ce n’est pas moi qui voit les choses. Ce sont les choses qui me donnent leurs yeux. Les images pures, personne ne les invente. L’âme de l’arbre se sépare un instant de l’arbre, vient sur la page, écrit le poème sur l’arbre et signe Ronsard…

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… Il n’existe pas d’ « intelligence » artificielle. La racine de l’intelligence, son centre invisible à partir de quoi tout rayonne, c’est l’amour. On n’a jamais vu et on ne verra jamais d’ « amour artificiel »…

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… Un arbre s’est arraché un bras pour donner une porte à l’abbatiale. Une montagne ou une carrière ont donné des vertèbres pour que naissent les piliers. Le sable des rivières s’est dépouillé de sa blondeur pour colorer les murs. Des abeilles ont travaillé sans salaire pour qu’il y ait des bougies. La grâce est le fruit de milliers d’effacements… »

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Lecture époustouflante, elle est un feu de joie.

104 chapitres comme les 104 vitraux de l’abbatiale de Conques, 

l’auteur est sous le choc de la vision ,

les mots nous sont offerts,

l’âme de Conques est venue jusqu’à nous et a signé Christian Bobin…

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Extraits de : « La nuit du cœur »  2018  Christian Bobin.

Illustrations : 1/ « Étude de nuages »  2/ « Étude de rose »  Frederic Edwin Church  1826-1900.

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Vivre et transmettre la lumière…

BVJ – Plumes d’Anges.

Prendre conscience…

lundi 6 janvier 2020

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« … Transparence a été créée sur l’idée que l’individu ne peut échapper à ce qu’il est et que toute personne doit être en mesure de tout savoir sur son interlocuteur, qu’il s’agisse de raisons sentimentales, mais aussi de raisons professionnelles. Très vite nous avons été sollicités pour accompagner les recrutements, les embauches.

La confusion entre l’être et l’avoir nous a confrontés au cours des années à des individus qui avaient de plus en plus tout en étant de moins en moins, ce qui n’a pas facilité nos travaux car il était, compte tenu du lissage des personnalités, difficile de connaître réellement celui qui existait derrière celui qui possédait. Être pour avoir sans rien faire est devenu le triptyque de la révolution numérique qui a succédé sans difficulté au travail-famille-patrie ou liberté-égalité-fraternité…

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… Le citoyen américain, comme le citoyen européen, s’exprimait sur tout, à partir de son terminal qui lui permettait de voter en permanence sur une grande variété de sujets, ce qui donnait l’illusion d’un pouvoir populaire, sachant que les moyens mis en œuvre pour manipuler cette opinion dépassaient considérablement ceux dédiés à l’éduquer, à la former. L’individu avait ainsi le sentiment de participer directement à chaque décision concernant la vie de sa cité ou de son pays. Le phénomène majoritaire battait son plein, tandis que les autres pouvoirs, ceux des médias, de la politique et du renseignement, convergeaient pour donner de l’importance à certaines informations destinées à influencer les votes… »

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En 1968, on rêvait d’un autre monde, de paix et d’amour, on peignait des fleurs et des papillons partout, on écoutait des musiques planantes tout en fumant des herbes exotiques…

Cent ans plus tard – Marc Dugain situe volontairement son roman en 2068 – le numérique a pris le pouvoir, l’homme s’est asservi volontairement, il s’est totalement livré, Google sait tout de lui, et une petite start-up devenue grande émerge en pays d’Islande, porteuse d’un projet fou…

Un roman d’anticipation qui nous entraine dans une histoire singulière

et nous fait réfléchir sur beaucoup de nos comportements humains.

L’homme pourra-t-il survivre à la crise climatique ?

Y-a-t-il un avenir pour un monde basé sur la production et le consumérisme ?

Un monde aux mains des grandes multinationales qui imposent le mal d’un côté

et ses remèdes de l’autre ?

Un monde de moutons qui suivent sans lever la tête les modes mercantiles ? 

À lire, il y a urgence, c’est prenant, c’est intelligent… et la chute, superbe !

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Extraits de : « Transparence »  2019  Marc Dugain.

Illustrations : 1/« Nous »  et  3/« Portait d’Aldagisa » (poétesse, épouse du peintre)  Ismael Nery  1900-1934  2/ « La ville »  Mikalojus-Konstantinas Ciurlionis   1875-1911.

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Refuser la société du toujours plus…

BVJ – Plumes d’Anges.

Au bout de soi…

dimanche 15 décembre 2019

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« … Certains voyages ont le goût des myrtilles et, comme elles,

la vertu d’aiguiser le regard…

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… Là, c’est un rite, Théo se met à genoux au milieu des fougères et boit cette eau qui sourd en bulles fraîches comme goulées de reconnaissance. Ce sont gorgées d’offrande claire. Chaque fois, après avoir bu à la source, il lui semble qu’il perçoit mille fois mieux tout ce qui l’environne. Chants d’oiseaux, stridulations d’insectes, craquements de lourdes branches, cliquetis de feuilles sèches…

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… J’ai bien tourné le dos au Monde. J’ai voulu disparaître. Dire que je ne sais même plus ce que j’ai voulu quitter ! C’est loin, si loin… Je me dis que je devrais avoir des regrets. Je n’en ai plus. Le sourire des miens, leur tendresse, leurs voix m’accompagnent. Mais ma vie est là, dans cet invraisemblable chaos minéral…

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… – Tiens, un cadeau pour toi. Elle l’a trouvé il y a deux jours, dans un labour, derrière la tour…

Lita lui tend une minuscule figurine en or massif. Elle représente une femme nue, les bras le long du corps. Elle est l’éternelle image des statuettes primitives. (…)

Théo ne peut la quitter des yeux. Il se dit que tout instant parfait tient du miracle. Le moindre mot, le moindre geste maladroits et tout s’envole comme un éparpillement de moineaux. Il y a chez Lita une telle acceptation des contraintes, il y a en elle un rêve si profond… et le tout cohabite, s’épanche ou se résume dans ce trait vigoureux , signe d’une ardeur en perpétuelle attente  : sa bouche…

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… L’incertitude est mon lot quotidien. Je souhaite simplement, que le plus longtemps possible, la couleur du Monde vienne encore chatouiller mon immense capacité de contemplation. C’est pour ça que je me battrai…

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… La montagne ondule, vibre, rampe, se secoue, siffle sa colère. Théo sait qu’elle ne peut ignorer sa détresse. Elle, dont il fut l’adopté,, le protégé, le gardien attentif, minuscule point de chair et de délicatesse, chaque jour, chaque nuit, bercé sous son grand corps de pierres rousses assoupies. Elle qui lui parle à voix haute maintenant, soupire, gronde, hoquette, le nomme, lui grogne à sa manière son chagrin partagé… »

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C’est un roman qui parle d’un fil de lumière au milieu de la « sombritude » du monde. Théo quitte tout et s’en va loin, très loin, il se retrouve au pied d’un volcan au milieu d’une étrange communauté d’âmes, des gens cabossés par la vie et des profiteurs. Théo est en quête de sens, il vit avec un âne merveilleux, Ferdinand, il se lie d’amitié avec Solstice, s’éprend de Lita, construit une cabane dans les brumes au dessus de la rivière, d’abord en bois, puis recouverte de pierres de lave. Il herborise à ses heures et cultive un petit jardin de fleurs. En bas, des forces s’affrontent, le mal fait ses ravages, Théo et Lita tissent un lien indestructible et vont au bout d’eux-mêmes et de leurs convictions profondes.

Ce fil de lumière persiste quand on ferme le livre. Pour vivre en cohérence avec soi-même il faut inévitablement faire des sacrifices. Le chemin choisi est courageux, c’est un chemin de solitude. Dans ces temps agités – comme le cratère d’un volcan actif – et cette période de l’année où les jours sont si courts, on sent l’impérative nécessité de tisser ces fils de lumière…

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Extraits de : « Mayacumbra »  2019  Alain Cadéo.

lllustrations : 1/« Cratère intérieur d’un volcan (Mauna Loa) »   William Hodges   1744-1797   2/« Lave volcanique »  Helen Thomas Dranga  1866-1927 .

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Tisser ardemment son fil de lumière…

BVJ – Plumes d’Anges.

Riches chemins…

lundi 25 novembre 2019

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« … Être là, enfin.

Au présent.

Quand s’abolissent les frontières qui me séparent du monde.

Quand reflue ma conscience, ne laissant que l’instant jaillir comme une source. Être là comme un brin d’herbe parmi les autres brins d’herbe, malmené par l’hiver, bruni par la neige, secoué par le vent. Être là, sans plus de quand ni de pourquoi.

M’échapper à moi-même…

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Il n’est pas forcément nécessaire de nous enfermer dans un monastère ou de partir méditer au fin fond de l’Inde. Peut-être nous faut-il juste penser à respirer.

Lentement.

Être là maintenant.

Corps et âme.

Là. Dans l’humble et insignifiant moment présent qui toujours nous échappe, engoncés que nous sommes dans cette fatalité humaine qu’est la conscience du temps…

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… Débrancher.

Renouer, si peu que ce soit avec les cycles naturels. Aller jour après jour des ténèbres de l’hiver aux éclosions du printemps, des marées d’équinoxe aux mystérieux solstices.

Se connaître soi-même comme un être cyclique, avec ses temps de force et de faiblesse, ses moments fertiles et ses périodes où l’énergie reflue.

Laisser la Terre tourner…

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... J’aime à la folie cette ronde des saisons propre à nos latitudes tempérées, qui fait passer les collines du brun au vert puis à l’or poussiéreux des moissons. Qui chaque printemps rajeunit la forêt et ressuscite le lilas qui pousse sous ma fenêtre. Qui met dans la gorge du merle, et dans mon âme aussi, une telle ivresse de louange…

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… Retrouvons le pas allègre, la pensée incertaine – nous mourons de trop de certitudes.

Battons la campagne.

Plus rien de décidé ne nous guide, rien de tracé d’avance. Nous jetons… aux orties le monde bien jardiné de nos emplois du temps tracés au cordeau – ici un carré de rendez-vous, là un bosquet de réunions, saupoudrons de RTT, et trois repas quotidiens pour baliser le tout (mais n’oublions pas : cinq fruits et légumes par jour, pratiquons une activité physique régulière et pour votre santé, je vous en conjure, évitez de grignoter entre les repas).

Stop.

Pour quelques minutes ou quelques jours, passons des heures jardinées à la vie en friche, lesquelles, soustraites au temps balisé des horloges, s’enroulent et se déploient comme le fait le liseron qui lance ses lianes ductiles, épanouit ses corolles neigeuses et, dans un même abandon, reçoit lumière et rosée.

Passe ton chemin, homme de plans et de projets, c’est ici le monde sans projet, le monde au présent, sans autre but que la vie même.

Ne plus être pour, ne plus être quelqu’un, ou quelque chose. Renoncer aux attributs.

Être… »

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Pour continuer la balade…

Un des blogs d’Anne le Maître –> ici

Tania et Dominique en avaient parlé –> et 

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Ce texte est un bijou à l’écriture délicatement ciselée, on ne marche plus, on vole, on se fait oiseau dégustant des images entre Terre et Cosmos. L’auteure est peintre et poète, ses yeux embrassent le paysage et nous livrent un tableau enchanteur. Quelle énergie communicative, ce livre est un cadeau à s’offrir et à offrir à ceux que l’on aime pour maintenir l’éveil et l’émerveillement – ou le susciter -, c’est si précieux, c’est notre seule richesse, le seul éclat qui vaille en nos temps grisés de morosité.

Je ressens une énorme gratitude vis à vis de celles et ceux qui sèment ainsi des graines sur notre chemin de Petit Poucet…

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À l’heure où vous lirez ces lignes, je serai un peu loin, vers l’est, pour quelques petits jours, à bientôt…

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Extraits de : « Sagesse de l’herbe – Quatre leçons reçues des chemins »   2018  Anne le Maître.

Illustrations : 1/ « Après un orage d’été »  George Innes  1825-1894  2/ « La grande touffe d’herbe »  Albrecht Dürer  1471-1528.

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Marcher, découvrir, apprendre, être…

BVJ – Plumes d’Anges.